Histoire de faire taire les détracteurs d'entrée de jeu, j'ai vraiment bien aimé le reboot de Medal of Honor, sorti il y a deux ans. Le jeu n'était pas parfait, loin de là mais il a eu le mérite de me faire passer un bon moment, autant sur son solo que sur son multi. Je m'attendais au même genre de jeu sympathique mais guère révolutionnaire avec ce second opus. Autant dire que la douche fut tellement froide que j'en ai encore des hématomes à cause des glaçons.
Graphiquement, le disais-je, la partie solo s'en tire très bien. C'est beau, de très bonne facture, maitrisé et on sent la puissance du Frostbite. Les cinématiques sont réellement superbes, si on oublie le fait que la modélisation de personnages féminins semble poser des soucis aux concepteurs de ces séquences. Sérieusement, elles ont des têtes d'hydrocéphales et la petite fille peu sans soucis être réutilisée dans Silent Hill ou the Walking Dead. Je veux bien que l'on cherche à modéliser des femmes normales, loin des bombasses habituellement vues dans les jeux, mais il y a une limite quand même.
Comme toujours évoqué plus haut, la qualité graphique s'effondre étrangement dès qu'on aborde le multijoueur. Les décors sont ternes, les textures grossières et moches. C'est fade et le bond technique en arrière aurait clairement dissuadé ce bon vieux professeur Brown d'entreprendre ses expériences temporelles.
Outre l'aspect technique, la direction artistique du soft est tristement sans originalité. Évidemment, on ne va pas parler de faire du neuf quand on met en scène des militaires et des armes. Mais c'est justement la mise en scène en elle-même qui est molle du genoux. Les scènes d'action ne sont guère palpitantes, les poursuites ne sont pas haletantes. A aucun moment je n'ai eu ces piques d’adrénaline qui sont synonymes d'action prenante et des grandes scènes du jeu vidéo. Le tout s'enchaine avec une platitude attristante jusqu'à la fin, si abrupte, brouillonne et inattendue qu'elle constitue involontairement le seul rebondissement du scénario.
Le scénario, parlons-en justement. Vous savez combien j'aime les jeux avec un vrai scénario, pas forcément un chef d’œuvre, mais au moins un dans lequel on sent une tentative de réflexion et d'imagination. Dans ce Medal of Honor, autant dire que l'on a rien. Navré pour vous, messieurs les scénaristes du jeu mais le tout donne clairement l'impression que votre chat s'est roulé sur votre clavier et que vous avez essayé d'en tirer quelque chose ensuite. La critique est aisée, me dira-t-on, mais je vais justement l'étayer.
Premièrement, l'histoire souffre d'une mise en situation et d'une introduction d'une consistance évanescente. On comprend que l'on a à faire à deux type, faisant partie plus ou moins de la même équipe de bidasses d'élite. Cependant, on enchaine les missions sans réellement comprendre le pourquoi du comment oui qui est qui. On devine à peine le contexte, on identifie les méchants sans rien connaitre de leur motivations ou de leur personne et on se perd dans une chronologie noyée dans les flashbacks et autres changements de points de vue. Comme je le disais plus haut, le fait d'incarner plusieurs points de vues est un exercice périlleux, maintes fois tentés dans les Call of Duty et consorts. Non seulement, cela lasse à force mais surtout, à chaque fois, cela a été mal maitrisé et n'a toujours contribué qu'à embrouiller la trame narrative du jeu. C'est clairement une méthode de narration à abandonner, surtout avec des protagonistes aussi charismatiques qu'une huitre.
De plus, faire un scénario avec le sempiternel méchant terroriste à arrêter avant qu'il provoque la fin du monde commence furieusement à fatiguer. Je sais que c'est un peu le grand trip hollywoodien de concevoir des scénarios manichéens avec les angéliques américains d'un côté et les démoniaques musulmans de l'autre. Cela plait sans doute au publique des States mais le monde des gamers ne se résume de loin pas qu'à ce seul pays. Si même les productions américaines commencent à se nuancer un minimum, à l'image de la série Homeland, notamment, pourquoi le jeu vidéo ne pourrait-il pas explorer d'autres voies? Black Ops 2 semble déjà explorer des pistes plus inintéressantes, Homefront, malgré sa médiocrité, le faisait aussi. Sérieusement, il faut laisser tomber le blanc et le noir et commencer à pondre des scénarios avec des nuances de gris (non je ne parle pas d'histoires pseudo-littéraires avec de la SM).
Outre un scénario aussi passionnant qu'un épisode de Derrick sans l'image, ce Medal of Honor Warfighter peut se vanter de synthétiser toutes les faiblesses de gameplay des FPS hollywoodiens. Des mécaniques d'événementiel éculées, des scripts trop visibles, une linéarité absolue et un dirigisme plus pénalisant qu'autre chose, entre autre. L'exemple parfait est brillamment illustrée par mon confrère anglo-saxon, le très estimé TotalBiscuit. Dans une récente vidéo, il nous expliquait toute sa frustration face aux FPS du genre de MOH, démonstration à l'appui. Si vous ne l'avez pas vue, laissez moi vous en faire le résumer, pour expliquer son désarroi et le miens. Vers le début du jeu, après un débarquement sur une plage, vous progressez dans des bâtiments et devez à un moment marquer un immeuble abritant un sniper dans le but de faire bombarder ledit édifice. Jusque là, rien de bien horrible si ce n'est une belle scène scriptée en perspective. Mais c'est là qu'est le problème: dans le script.
Il se trouve en effet que vous ne pouvez rien faire d'autre que ce qu'on vous demande. Impossible de revenir en arrière car la porte que vous venez de défoncer dans un scène au ralentit, aussi dispensable qu'inutile, trône à présent fièrement sur ses gonds, verrouillées et aussi indestructible qu'un Hulk au mieux de sa forme (en plus elle est verte, c'est un signe). Vos camarades sont planqués dans toute la pièce pour se protéger des tirs de ce mortel sniper. Le soucis, c'est que ledit sniper est certainement le cousin taré congénital qu'on a choppé au Bled et à qui on a refilé un fusil. On a beau se tenir en terrain découvert, le type est tellement miro qu'il loupe 5 tirs sur 6. Et même lorsqu'il vous touche, vous encaissez son 7.62 sans broncher. Vous êtes un soldat du Tier 1 après tout. Entre l'auto-régénaration et la fréquence à laquelle vous êtes touché, autant dire que vous êtes presque immortel. Mais, étrangement, lorsque vous descendez un tas de gravats pour poursuivre plus loin dans le niveau, le jeu vous tue instantanément, car vous n'avez pas fait ce qui était demandé. Inutile aussi de tuer le sniper car il réapparait à l'infini. Brillant!
A cela, on peut aussi ajouter les sempiternels défauts qui me font rager : l'impression qu'on a une cible géante sur la tête tant tout le monde nous tire dessus en priorité, le fait que l'ennemi sache tout le temps où on se trouve, l'IA bête à manger du foin dans ses mouvements mais purement géniale pour vous plomber dès que vous sortez le nez de votre abri. Pour vous dire, je me faisais canarder par un type qui m'a détecté alors que je regardais en pleine nuit par un petit trou dans un mur. Et avec des types comme ça, les terroristes ne gagnent pas...
Pour ce qui est des mécanismes ayant purement attrait au désinguages de fondamentalistes, la prise en main est relativement bonne, c'est déjà ça. On pestera sur le rechargement un peu longuet ou sur les hitbox et la physique un peu fantaisiste (on me parle des séances de tir au sniper?), mais au final c'est jouable. Même les phases de conduites, bien que trop longues, offrent des sensations sympas. Ne vous attendez néanmoins pas à un Forza Horizon (admirablement testé par mon collègue KazeY). Enfin, puisque la campagne solo est si laborieuse, on se dit qu'on va plutôt toucher au multi. Là, de nouveau, une grosse déception nous attend. Ce n'est pas mauvais, pas du tout. C'est juste affreusement et tristement banal. On se retrouve avec un gameplay bâtard, avec des idées prises à Call of Duty et d'autres à Battlefield. En pratique, on a des cartes étriquées au level design peu inspiré sur lequel on tourne en rond pour se désinguer comme des décérébrés. Ça ne va pas troubler les fans de Call of Duty. Dans tout cela, on ajoute un système avec des classes spécialisées, issues du soft concurrent. Malheureusement, ces classes ne servent à rien. Sur des maps aussi petites, on s'en fout des classes. Jouer sniper est inintéressant, sauf si vous aimez sniper sur les rares spots pour campeurs heureux. Du point de vue des modes de jeu, on a toute la panoplie habituelle et éculée. A une exception prêt, le mode Homerun, dont je m'en vais vous narrer la genèse :
Tout ça pour dire qu'il est assez triste de se retrouver avec des mécaniques datant du premier Medal of Honor dans un jeu de 2012, car en plus de lasser, elles énervent, frustrent et dégoutent. Les vociférations dudit TotalBiscuit résume tout le bien que je penses du gameplay de ce genre de FPS.
Dans tout cela, il me faut aussi vous parler d'un argument de vente mis en avant par la campagne de pub et qui est à mon sens un gros pigeonnage, j'ai nommé : l'authenticité.
En effet, on nous a martelé à tord et à travers que cet aspect authentique du scénario et de la mise en scène serait le gros point fort de la campagne solo.
Déjà, quand on débute sa campagne avec des chutes de grues géantes et le dégommage d'hélicoptère au lance roquette, on est mal parti. Ensuite, par soucis de se rattraper sur le côté réaliste et surtout authentique, on balance de la cinématique où l'un de nos héros interchangeables s'engueule avec sa femme. C'est sur que le côté "Plus Belle la Vie" ça fait rêver. Par la suite, pour faire authentique, on a de la course à pied pour jouer à chat avec un terroriste, que l'on attrape quand le script le veut. On enchaine avec une course poursuite en voiture indestructible, une partie de cache-cache, toujours en voiture, où on a l'impression de jouer à PacMan, mais avec des scripts pourris et une IA aveugle. Et enfin, on fini par faire de la natation aux Philippines pour aller chopper un terroriste hyper dangereux mais tristement anonyme dans un bâtiment qui vient d'exploser sans raison. Sincèrement dans tout cela, je n'ai rien ressenti d'authentique. L'authenticité est sensé aller avec le réalisme, non? Or là, c'est rocambolesque, abracadabrant et rien d'autre. Il y a clairement un tel raté scénaristique et de mise en scène que ça en devient gênant. D'autant plus que la campagne se conclu en apothéose avec un petit texte embarrassant, mielleux et patriotique, arguant que ces soldats d'élite sont ce qu'on peut appeler des super-héros, capable de voir des horreurs pour sauver le monde des méchants terroristes tout en câlinant leurs enfants le soir en rentrant à la maison. Tout ça sur fond de musique de Linkin Park. Je crois que je n'ai jamais été autant mis mal à l'aise par des propos tenus dans un jeu vidéo. Ce texte, citation non pas d'une personnalité existante, mais de la femme d'un des soldats fictifs du jeu, fait clairement état que les soldats américains doivent être vu comme les sauveurs du monde et fait ainsi l'apologie de la guerre. N'est-ce pas dérangeant et malsain?
Donc, dans tout ça, rien d'authentique, juste une vision tranchée et sans nuance du monde, couplée avec un jeu qui fait penser à The Island de Michael Bay pour son côté "je me retiens pour essayer de faire un film avec un scénario et un propos... et puis non, merde, je fais tout péter, c'est tellement plus drôle.". Ce Medal of Honor, à trop osciller entre spectacle et réalisme, ne trouve à aucun moment sa voie.
Enfin, pour les courageux arrivés jusqu'ici et comme je n'aime toujours pas critiquer sans proposer d'idées, j'ajouterais à tout cela quelques pistes, issues de mon ressenti personnel face aux FPS militaristes de ces dernières années. Comme je le disais avant, il faut laisser tomber les protagonistes multiples et même la multitude de lieux visités. A l'instar de films comme Black Hawk Down et The Hurt Locker ou de séries comme Strike Back ou Generation Kill, pourquoi ne pas centrer l'intrigue sur une personne en un lieu précis. Fini les balades autour du globe dans des méta scénarios de complots à l'échelle globale. Ces FPS militaires gagneraient sans doute tellement plus d'intérêt et de dynamisme à mettre en scène des aventures rythmées, où les décors ne sont plus là pour varier le visuel mais pour agir comme un personnage. Imaginez un Black Hawk Down-like dans une ville en pleine insurrection, une ville oppressante et dangereuse. La tension dramatique et le suspens en serait tellement plus renforcés. Puisque ce Medal of Honor jouait la carte de l'authenticité, ce genre de situation précédemment décrite semblerait justement bien plus authentique. Elle amènerait de plus un sentiment affreusement absent de ces FPS et pourtant indispensable dans une optique d'authenticité : les enjeux. Jusqu'à maintenant, ces conflits globaux où l'on court après du terroriste sur tout le globe offrent du spectacle mais pas d'implication émotionnelle ou, justement, d'enjeux. Ceci est dû en partie à la linéarité de ces jeux. Si l'on pouvait voir des otages ou des camarades soldats mourir sans pour autant que cela signifie un game over mais plutôt une variante du scénario, cela serait formidable. On me dira surement que je vois trop la chose d'un point de vue RPG, mais pourquoi FPS hollywoodiens et scénario non-linéaire et fouillé seraient-ils incompatibles. Il m'est avis que l'on doit pouvoir conserver l'aspect impressionnant des scènes scriptées hollywoodiennes en les intégrant dans des cartes ouvertes et dans un scénario immersif et évolutif. Oui, vous voyez où je veux en venir, j'en viens à rêver de cartes ouvertes à la Borderlands, aux chemins multiples à la Dishonored avec une mise en scène aussi intense et immersive qu'un Mass Effect. L'obstacle majeur pour avoir un tel jeu? Il faut vouloir prendre des risques. Ah et oui, il faut aussi vouloir bosser et éviter de tomber dans la facilité, comme ce Medal of Honor Warfighter l'a si "brillamment" fait.